Double sens - Fresnes 2009 - 2011






Extraits de la publication Double sens 
- Le petit Chaillloux - Hors les murs.
Maison d'art contemporain Chailloux de Fresnes (macc) et Spip 94
2010. 


Pdf visible en fin de page













Double sens s’est engagé il y a deux ans grâce à la plasticienne Maïa Jancovici, en collaboration avec la Macc, l’Avara et le SPIP 94 (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation). Les réalisations des participants, dans un premier temps toutes des femmes, qu’elles soient des quartiers ou détenues, ont été montrées à l'intérieur comme à l'extérieur entre juillet et octobre 2009.
L'année dernière, il s'agissait de faire venir sur la ville et dans les quartiers le travail artistique et culturel qui existe déjà en prison et qui est mené grâce à des artistes ou professionnels de la culture engagés pour la réinsertion des détenus, auprès des hommes comme des femmes. Notamment sur la ville de Fresnes grâce à l'adhésion des différentes structures partenaires du projet: le Centre socio-culturel Avara, l’Ecole d’Arts Plastiques, la MJC, l’Écomusée, les établissements scolaires (École maternelle de la Vallée aux Renards et Ecole élémentaire Les Frères Lumière) et le groupe d’aquarellistes amateurs Alizarines. De nouveaux ateliers ont ainsi pu avoir lieu en présence de la plasticienne, au sein des groupes de travail, notamment en milieu scolaire et à la Maison d'Arrêt des Hommes en 2010.
L’ensemble des réalisations a été exposé en mai 2010 en centre ville de Fresnes, puis au sein de la Maison d’arrêt le 6 octobre 2010, au plus près des détenus, qui ont eu la possibilité tout comme les participants extérieurs, de participer à cette journée de restitution.

« D » comme « double », « D » comme « don ». Échange à double sens, qui met en route un principe d’échange interactif : un objet fabriqué à l’intérieur aura son équivalent à l’extérieur puisque les participants, quels qu’ils soient ont réalisé leur objet dans le but de l’offrir à l’autre. Aussi nous ne voudrions pas limiter ce projet à un simple échange d’objets : le don c’est l’engagement, le temps et la prise de conscience de toutes les personnes qui s’y sont associées. Si, dans certaines villes, la prison est vécue pour son image obsédante, nous avons voulu l’intégrer à part entière dans nos actions sur le territoire de Fresnes, non comme un établissement enclavé mais en proposant une alternative par le biais d’un projet artistique. Les questions de la limite, de l’enfermement, de la frontière et de la marge restent des sujets d’actualité dont les artistes ne cessent de s’emparer par ailleurs à travers leurs œuvres. C’est en favorisant les échanges par des rencontres avec des artistes (Mamadou Cissé auprès des femmes détenues), les ateliers de pratique artistique et les expositions, que nous avons contribué à un travail de sensibilisation et de préparation à la réinsertion.

Cette action n’est pas orpheline, elle témoigne d’un véritable réseau social, éducatif et culturel sur Fresnes, dans et hors les murs.

MACC, décembre 2010



Le temps de la prison reste trop souvent celui de formes d’immobilisme, de vacuité, de marge. La notion même de projet participe à y introduire une dynamique de mouvement, d’activité, de cœur.
Ainsi le bien nommé « Double sens » s’est-il construit dans la durée et par la volonté et l’implication d’une pluralité d’acteurs locaux : leur créativité autour de thèmes choisis a fédéré ces artisans et ces artistes, qui se sont découverts et qui se sont associés. Leurs œuvres ont constitué un patrimoine commun, susceptible d’aller et venir, de s’exposer, et d’être partagé. C’est ainsi que la culture est fertile de sens, étrangère aux valeurs autres que celles de l’esthétisme, du plaisir, du talent et de l’offrande. De part et d’autre des murs, ces valeurs rassemblent. Elles inscrivent ceux qui les servent comme membres à part entière de la cité. Celle de Fresnes du dedans comme du dehors.
Que les porteurs, animateurs, partenaires et collaborateurs du projet culturel « double sens » soient remerciés des moments de grâce qu’ils ont su donner, faisant céder le pas à l’univoque. Par eux, un autre sens a été rendu possible pour tous.

Valérie Decroix, Directrice du Centre Pénitentiaire de Fresnes.
                                                                                                                                                                       



J’interviens en tant qu’artiste en milieu pénitentiaire depuis sept ans. Par choix, parce que la question de l’enfermement a toujours été là pour moi. Humainement, philosophiquement, et bien sûr artistiquement. Concomitante aux problématiques récurrentes de mon propre travail plastique. Aujourd’hui cette expérience en milieu carcéral et ses enjeux restent primordiaux. Ils sont source de vitalité et acte de résistance.
Le travail de création “dedans“ est pratiqué avec une intensité sans doute inhérente au confinement et à la brièveté des ateliers. Il est surprenant, non parce qu’il est œuvre de détenu, mais parce qu’en quelques séances, l’implication et la concentration de personnes n’ayant pour la plupart jamais dessiné, ni visité un musée, génèrent l’apparition d’une sensibilité, d’une technique, et d’une soif de création parfois dignes d’un artiste à part entière.
Le travail en atelier ouvre un espace de respiration et de parole. Un espace que chacun ignore avant de s’y engager, mais qui une fois mis en place, est attendu par tous avec impatience. Il n’y a plus ni frustration ni empêchement, il suffit d’essayer, de (se) faire confiance. Les participants sont volontaires et présents. Actifs. Ils ne gardent ni en eux ni pour eux, ils partagent. Ils créent. Libres. Il est malheureusement difficile de montrer, à l’intérieur comme à l’extérieur, les travaux réalisés. Les rares expositions organisées ne sont généralement visibles que pour un petit nombre d’initiés (intervenants, sympathisants, responsables pénitentiaires), et participent souvent, bien malgré elles, à la stigmatisation de ces créations.
Ce projet s’est ainsi élaboré dans la volonté de créer un échange entre les détenu(e)s de la Maison d’Arrêt de Fresnes et les personnes vivant à l’extérieur, aux alentours. Il s’agissait, d’une part, de faire sortir le travail, de décloisonner la création en milieu carcéral. Qu’elle soit vue dedans et dehors, replacée dans la ville. Et d’autre part, par le biais d’un travail artistique qui ait lieu des deux côtés, de re-créer du lien entre des personnes enfermées et l’extérieur. Enrichir l’autre de soi. A dessein si ce n’est d’annihiler, du moins d’infléchir les différences et les préjugés.

Maïa Jancovici, artiste plasticienne

Le point de départ de “Double sens“ est ce qui se nomme en milieu carcéral : le  yoyo. La personne qui intervient en détention ne peut manquer d’être interpellée par ce mot qui résonne lors du travail des surveillants*1. Frappé par le son, le nom, intrigué par l’aspect visuel - au premier abord un peu désuet - de cette communication (un sac de feutre au bout d’une ficelle, qui monte et qui descend), l’intervenant extérieur met un moment à en comprendre sa teneur, son contenu et finalement son ingéniosité pratique.
*1 En détention, ce geste utilitaire et réglementé, est un moyen de communication entre les étages pour faire circuler papiers, courriers, demandes de “mouvements“ divers. Il a lieu –dedans- entre le rez-de-chaussée et les coursives aux étages.
Puis au cours d’ateliers, on entend les détenus parler aussi de yoyo. Et sans se souvenir ni de quand, ni de comment, on finit par comprendre qu’une communication a lieu –comme en miroir- de l’autre côté des murs, le long des façades. Que c’est pour les détenus, un moyen illicite de communication et d’échange*2.
*2Il a lieu dehors le long de la façade. Un yoyo peut aller loin,de cellule en cellule, sur plusieurs étages, de haut en bas, du nord ou au sud, et vice versa.“Une boite de Ricoré vide au bout d’une ficelle crasseuse, qui frôle le mur extérieur, râpe, balance pour séjourner un instant chez le voisin et faire sa commission (denrées alimentaires, petits objets, cigarettes, courrier,…“

Dans la constitution du projet artistique est revenu immédiatement le jeu des enfants. Le yoyo monte et descend, fait des allers-retours, circule. Il est ici étendu à la communication et au partage. Ces observations permirent de démarrer la conception du projet Double sens. C’est ce qui - artistiquement- lui donne un sens juste et premier. Le projet a ensuite pris une direction formelle –sculpturale et picturale- propre et indépendante. Les ateliers se sont fait indépendamment de l’évocation de cette réflexion en amont. Il semble néanmoins important de faire part de ce fondement du projet, afin de préciser sa justesse et sa place tant dans le milieu pénitentiaire que dans l’idée d’une communication intérieur - extérieur.

M. J.




Le projet Double Sens a pleinement rempli ses objectifs en tissant un lien durable entre la population pénale de Fresnes, la Municipalité et plusieurs Associations Fresnoises qui interviennent sur le thème de la socialisation.
Les ateliers qui se sont déroulés sur deux années ont donné lieu à des créations originales
(textes, dessins, objets en tissu,…) qui ont été vecteur de rencontres au travers des expositions. Les échanges d’objets qui doivent maintenant être mis en place vont prolonger
ces rencontres. Ils vont désormais être le symbole de ce lien tissé entre intérieur et extérieur et le support d’une nouvelle relation qui va s’instaurer non plus entre le citoyen et le détenu mais entre un donateur et un bénéficiaire. Le fait que chacune des personnes qui a participé soit ainsi celle qui donne et celle qui reçoit doit modifier le regard porté par nos concitoyens sur la prison et le public qu’elle détient, tout en donnant à ce don une valeur d’espoir quant aux conditions d’accueil que la société va réserver à ceux qui en ont été momentanément exclu.

Ce travail a pu aboutir grâce à la pugnacité et à l’engagement de Maïa Jancovici. Elle a su
également faire profiter tous ceux qui ont travaillé avec elle de son sens artistique et de sa
profonde humanité qui ont été les fils rouges de ces travaux.
L’intérêt du SPIP pour ce projet est né de la notion de lien et d’échange qui recrée de la confiance chez la personne détenue et lui permet de se projeter dans un avenir qui ne lui apparaîtra plus inaccessible. Ce projet s’inscrit pleinement dans les orientations de la DAP que sont le développement des aménagements de peine, l’accroissement des activités proposées à la population pénale et est pleinement conforme aux missions dévolues au SPIP (prévenir la récidive et favoriser l’insertion).
Ce projet a également confirmé la valeur que la Culture peut donner à l’individu en l’inscrivant dans une nouvelle relation avec son environnement en lui proposant de nouvelles formes d’expression. La mise en œuvre du Parcours Culturel d’Insertion s’est appuyée sur ce principe depuis 2004 et il est vraisemblable que la Culture et l’expression artistique auront un rôle majeur dans les dispositifs d’insertion que les services de l’Administration Pénitentiaire vont devoir développer dans les années à venir.

C.Charamathieu, Directeur du Service pénitentiaire d’Insertion et Probation (SPIP) 94.
                                                                                                                                                                   














































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