29 mai 2013

Lilas est sens dessus-dessous.


Lilas est partie il y a deux jours en long séjour au 4ème. Je vais la chercher aujourd'hui pour lui proposer le dessin. Elle m'accueille avec autant de joie que d'habitude, et accepte immédiatement de descendre dessiner avec moi. Elle est tout à la fois comme d'antan droite et digne, et fortement confuse , délaissée...
Arrivée dans les couloirs, elle contient à peine son énervement peut être par le retour – arrière- à l'unité VH, mais que d'étonnant à cela?
Sitôt la porte de l'atelier franchie, elle s'apaise et notre complicité protégée est retrouvée.
Elle semble avoir beaucoup perdu de ses capacités*. Dans sa bouche, les mots se mêlent, échangés. Un peu comme madame Hautey. La blonde suit la brune.
Elle fredonne pour parler aux oiseaux du dehors, et semble converser avec eux...
Elle dit avoir " beaucoup de plaisir à être ici", manie le pinceau trempé dans le doré. Elle se réjouit avec moi de cette séduisante couleur. Elle contemple longuement la peinture sur le pinceau; en amas, "surtout ça tu vois j'aime bien“. Elle tapote le pinceau avec soin, tourne, caresse, toute au plaisir du geste, si sensuel et déterminé – chez elle; et cette fois éternel. Elle commente tous ses gestes. " Ohlala, qu'est-ce qu'on entend, des pétales, des pétales, c'est très joli." Parle-t-elle des pétales sur sa feuille ou des bruits du dehors? Tout s'entremêle mais dans son sourire.
"L - Ce qu'il ya de plus terrible, c'est que ça (ce travail, ces dessins), ça ne se voit pas. Après ça donne moins de valeur.
M - Oui, je suis d'accord. Mais ce qu'il faut en retenir, c'est la beauté de l'instant.
L- Et je suis très contente de pouvoir le prendre. C'est vraiment tout à fait ce qu'il me faut. Cela me plaît beaucoup."
Et elle me nomme Séraphine.

Il n'y a de sa part aucune forme de résistance à peindre cette fois.
Elle est dans la contemplation et le plaisir partagé.
Elle réfléchit avant de continuer, de poser touche et couleur suivante. Elle réfléchit vraiment.
On chuchote, on murmure, pour ne pas sortir de cet état de grâce.
Elle me parle de fleurs et du printemps, je lui propose du vert. Et un titre se dessine, “ fleurs d'ailleurs", “la fleur d'or" (entendre la fleur dort). En renversant le dessin, fleur tête en bas, lilas réussit à lui faire des tiges.D'un point vert à un autre, une prairie, un feuillage se forme.
Les yeux de Lilas se ferment et donnent raison à son titre...

“La fleur dort“- Lilas



Lilas


*Je revois lilas à plusieurs reprises le mois qui suit, elle me semblera alors beaucoup mieux; fidèle à celle que j'ai connu, avec toutes ses capacités. Sans doute ses déficiences notées le 29 mai, étaient elles dûes au “déménagement“, nouveau lieux, nouveaux visages, nouveaux soignants...

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