24 décembre 2012
20 décembre 2012
18 décembre 2012
Empathie
Mr Eko me tient longuement compagnie dans
l'atelier pendant ma pause déjeuner.
Il regarde les livres de peinture.
Et s'endort profondément alors que
je dessine.
Gustave fait pipi dans le couloir, juste devant ma porte.
Aujourd'hui ils viennent tous me
voir à l'atelier, ça commence à fonctionner.
L'environnement humain perturbe le
travail, m'en distrait. L'empathie et le contact font partie du lieu
et du “contrat“, sinon à quoi bon ? Ils sont essentiels à
la constitution du projet ; je ne travaille pas sur eux mais
avec eux, et pour eux.
Et puis j'ai toujours aimé les petits vieux.
Et puis j'ai toujours aimé les petits vieux.
17 décembre 2012
Characters
La parole se libère progressivement
avec moi.
Discussion au détour d'un couloir
avec Marnie, aux yeux qui pétillent. Adorable. Elle distribue les petits gâteaux
confectionnés par sa fille.
“ Y'en
a beaucoup qui tirent sur les machins et hop.....Paf ! C'est pas
bien ça, hein quand même.“ -sans doute à propos des patients qui tirent
sans arrêt sur les sonnettes des chambres.
“ Et
vous ça va ?“ s'enquiert-elle ensuite.
“ J'aime
pas les gens qui veulent tout avoir pour eux“ “ alors nous on
restait là“ en m'invitant à la retrouver plus tard..
La présence des familles semble
mettre leurs aînés en état d'éveil. De ces visites, certains
ressortent lumineux, parlant et agissant. Pour d'autres, le départ
marque une chute et les laissent perdus, inquiets, de retour dans un monde
inconnu. L'un et son contraire, toujours violent quoiqu'il en soit.
Coup de dé, fatalité ou
caractère... ?
Mr Ey discute encore un long
moment avec Madame Ail devant sa porte. Conciliabule, chuchotements,
regards suspicieux de sa comparse. De leurs murmures un complot
philosophique émerge.
Je recoud le bouton de pull de
Lilas ; nous discutons de promesses, et de motifs.
Maguie est toute chamboulée par une visite chez le coiffeur. Les
changements brusques d'environnement lui font toujours un effet
brutal m'explique t-on. Au bord de l'évanouissement, elle est
escortée par madame S (Jackie) jusque dans sa chambre. Celle-ci toute fière
de sauver sa “chérie“, lui propose de lui faire du magnétisme.
Elles vont et viennent, jusqu'au clash... Jackie nous démontre sa
poigne, me fait mal puis meurtrie Maguie qui lui écrase le doigt à son
tour. Une goutte de sang perle (sans doute du dextro
pratiqué peu
de temps avant) Jackie hurle, Maguie répond. Insultes, clash. Chacune repart à ses
affaires.
Belle séance d'atelier avec
mesdames Sonia B, Janine D, et Jackie S.
Sonia qui pense n'être capable de
rien, et en tremble presque. Elle regarde un vase, ses fleurs, et le
croque en cherchant mon approbation mais avec aisance.
Mme D me raconte son enfance à
Grenoble, les visites au musée avec son père le dimanche. Les
couchers de soleil sur la montagne au retour de l'école, Fantin
Latour, et sa passion pour le piano abandonnée pour son devoir de
mère de famille.
Jackie est
sauvée par le gong, appelée pour une visite médicale avant d'avoir
pu commencé.Sonia B |
16 décembre 2012
13 décembre 2012
Jeu de rôle
Mr
Ey à pas lents, et gracieux. “Ça va toujours“me répond-il en
souriant.
Jean D qui n'a pas d'argent, blague.
Rose bouquine sur le banc de square au fond du couloir.
Tout
le monde dort, même Jackie et Marnie.
Habitudes de Mmes B (Sonia) et Bn,
décidément toujours à la même place.
Mme
Riss traverse l'espace, pas à sa place, fuyant les fantômes, un livre
à la main. Elle retourne dans sa chambre.
Mr
Hart tourne dans la salle à manger. Je dessine son parcours avec
application. Il est gentil Gustave, il me rappelle un grand père que je
n'ai pas connu.
“Qu'est
ce qu'il faut que je fasse ?.. Je ne sais pas... N'ayez pas peur
( à mon attention).. Si je m'arrête..“
“
Je suis ratatiné“. Les bras
croisés, “ et ben ça y est... Si seulement je savais ce que je
fais.“
“
Vous avez entendu ?“ La main
passée sous son pull, il touche son cœur :“Ça cogne“.
Miguel chante et les réveille tous. “ c'est harmonieux“ dit Mme Br,
« Ça
va pas merde ! S'ils veulent gueuler, n'ont qu'à aller au
marché !“ - Maguie.
Jackie, réveillée, ébouriffée, se dirige vers le couloir “Je vais aller me reposer, je suis fatiguée.“
Jackie, réveillée, ébouriffée, se dirige vers le couloir “Je vais aller me reposer, je suis fatiguée.“
Quand
elle revient, je joue mon rôle. Avec le délice d'une petite fille
qui joue à la marchande :
- Bonjour mademoiselle, je suis
madame S...
- Bonjour Mme S... je suis Maïa.
- Ah oui, c'est joli, comme ça je
sais. On m'a dit que c'était l'heure du déjeuner. Vous pouvez
m'indiquer le restaurant ?
- Oui, c'est juste là.
- Ah très bien. Je peux y aller ?
- Je vous en prie
- Merci beaucoup. “
Maguie savoure son jus de fruit, “ça pénètre bien la poitrine.“
Eko est à la fenêtre, au bout du petit couloir. Silhouette en
position. Poète.
Clac
clac font les talons de Jackie.
Et
Lilas a perdu son avant dernier bouton de pull. Elle me le confie. On
s'entend bien toutes les deux. Vraiment.
Le
calme règne pour l'équipe. Avant le rush du déjeuner.
….
Discussion
avec C.R. , la psychologue.
Miguel chante - en portugais - les tréfonds de l'âme.
Bonne
avancée, plusieurs cartographies individuelles commencées. Je
cherche et me rapproche d'une méthode. Gustave reprend le bleu marine,
cela lui va mieux.
Le
doré et les icônes autour, devoir sacré de mémoire. ( R.
Anthelme??)
6 décembre 2012
Lignes de forces
Arrivée
à la fin du petit déjeuner.
M-N,
responsable animation de la gériatrie, m'a prêtée de grandes
images imprimées sur plastique : reproduction de tableau,
photos de sculptures, pour l'essentiel du XXe siècle.
Premier tri instinctif qui m'amène à en sortir quelques unes du lot,
possibles échos ou métaphores de ce qui se joue pour les malades
que je côtoie :
le
vide, l'attente : hooper, etc
l'esprit
sombre, Monet
ou
souffrant, torturé : Munch ( la prise de tête).
Et le corps.
Ernest Pignon-Ernest |
J'en
sélectionne une vingtaine d'autres, et armée de celles ci, de papier
et de couleurs, je pars à la salle à manger.
Les
grandes images sur plastiques sont idéales : grandes, souples,
indéchirables, lavables... J'en
distribue aux différentes tablées.
La
plupart sont curieux et semblent contents qu'on leur propose quelque chose
à faire. Mais la majorité se lasse vite, et les repousse. Seuls
quelques-uns les regarderont ou manipuleront avec attention :
Mme Desmarais, Irène, Mr Eko lorsqu'il sera éveillé, et Jacques avec un nouveau camarade...
A
ma table, Mme Desmarais me reconnaît tout de suite, et me demande si je me
souviens l'avoir dessiné.
Mr Hart me tourne autour, intrigué par les crayons colorés, plus que par les images. Il me demande ce qu'il peut faire. Je lui propose de s'asseoir avec moi, et lui tend papier et crayon. Il se saisit vite du orange (encore), cette fois presque sans difficulté de préhension, et trace des lignes, verticales, fines et légèrement tortueuses. Je lui parle des arbres et de l'automne. Il continue... en râlant qu'il ne voit rien , que cela ne le mène nulle part, qu'il ne sait pas où il va. C'est vrai qu'il ne voit que très mal, mais il continue. Avec du orange puis avec un vert kaki, pour tracer des horizontale cette fois...
L'unité
est envahie de décorations de Noël, guirlandes dans les couloirs,
et suspension lumineuses en salle à manger.. Je les dessine avec
l'envie de saisir toutes ces lignes comme des chemins possibles.
Lignes
de force, lignes de vie, lignes de garde.
Mme
Desmarais imite Mr Hart, prend feuille et crayons, et écrit non stop pendant
plus d'une heure. Recto verso, son histoire, un début
d'autobiographie.
G,
une des étudiantes infirmières, propose à Mme Missat de se joindre à
la table de dessin.
Mme
Missat, est en fauteuil toute la journée, et souvent avec Miguel C. Et m'a
semblée « ailleurs ».
J'avoue
ne pas m'être rapprochée d'elle , ni m'y être intéressée jusqu'à
présent. Je me suis d'avantage concentrée sur ceux avec qui la
communication semble aisée..
Apprivoisement
ai-je dit plus haut, acclimatation..
De
sa main gauche (alors que son dossier l'indique droitière) Mme Missat se
saisit du crayon proposé, et commence d'elle même à dessiner.
(Les
filles, les a.s. m'expliquent qu'elle comprend tout même si elle ne
bouge presque plus.)
Elle
dessine pendant une trentaine de minutes avec concentration, sans pause.
Redressée, appliquée, scrutant tour à tour sa feuille, et – me
semble-t-il le visage de G. Magie de ces petites lignes fines, qui
donnent corps à une forme.
Malheureusement
le déjeuner nous interrompt, Mme Desmarais pose son crayon à regret, tandis
que le plus doucement du monde, j'enlève celui des mains de Mme Missat,
en lui expliquant que nous reprendrons demain.
Avec
F, médecin, nous discutons des groupes pour la semaine prochaine,
nous sommes toutes deux d'accord pour proposer dans un premier temps
le dessin au plus grand nombre. Et de constituer des groupes en
respectant les affinités remarquées en salle à manger.
3 décembre 2012
Lundi matin
“On
va pas foutre la crèche sur le sable, on n'est pas dans le sahara“
dit C, aide soignante.
Mme
Serton et Mr Est déambulent ensemble toute la matinée.
“Moi,
je ne cherche rien » me dit-elle, “on va aller s'asseoir, et
puis c'est tout.“ “Je ne vais pas gambader toute la journée !“
Je
commence à travailler dans les couloirs. Je suis les allées et
venues de chacun ou presque, armée d'un lot de crayons de couleurs. 1 pour chaque patient repéré ce matin, et bleu ciel pour tous les
soignants. Superposition de lignes au milieu desquelles le rose et le
vert foncé se distinguent en force ( rose pr Mme Serton, Vert foncé
pour Mr Est – ils ne se quittent plus ces deux là.)
Entre
la poursuite, et le géomètre.
“ S'il
vous plaît, s'il vous plaît “clame Mr Hart du fauteuil où il a pris
position vers 11h. “Je veux descendre“, “je vais me débiner“
chuchote-il. N, aide soignante, l'emmène faire un petit tour dans
le bâtiment. Il en revient paisible.
Mme Roc s'enveloppe les pieds de papiers et “bricole “ ses chaussons. Elle retourne le gauche et l'ouvre avec force, comme une mâchoire . Elle en extrait un long fil et se met à le recoudre.
Mme Serton cherche encore sa chambre “23, 23, 24“.
Plus
tard, elle est réveillée en sursaut par la chute de mr C, Miguel. Ébouriffée, nu pieds, dans une chambre qui n'est pas la sienne.
14 heures,
la frousse causée par Mme Roc “Toi, tu as failli mourir de peur,
moi de rire. J'ai failli calancher“. Elle m'a bien eu, et partage son allégresse avec ses voisines.
Et
l'excellente nouvelle : subvention complémentaire accordée, me
voilà ici pour 5 mois.
A retenir pour la suite :
- le calque, la superposition des parcours, le travail au pinceau, ou la précision du feutre ?
- Les parcours, cartographies, en séquence temporelles (timing) : 1heure, 15mn, etc / Le temps du déjeuner, la sieste, la matinée,etc. A préparer en amont.
- se fixer une couleur/ patient. +1 seule pour toute l'équipe.
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